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No: 21 mis à jour le 12.1.2025
CIRQUE VARGAS fin novembre 1980 nous étions à Santa Fe dans le Nouveau Mexique, ville située tout de même à une altitude de plus de 2000 mètres.
Une tempête de neige descendant des Montagnes Rocheuses était annoncée pour le
soir.
Monsieur Vargas ne veut rien entendre pour démonter et annuler le spectacle du soir.
Vers 18 heures la neige
commence à tomber sous la forme d’énormes flocons lourds.
Le public entre quand même sous le chapiteau, environ 1500 personnes seulement, les gens plus prudents que
notre directeur étant restés à la maison.
Monsieur Vargas annonce aux artistes qu’il faut annuler les parades, et que le spectacle ne doit pas
durer plus d’une heure et sans pause.
Je pris juste le groupe d’Appaloosa et ne fit pas long feu, pas de rappels.
Les Wallendas ne purent même
pas faire leur numéro sur le haut fil, car le chapiteau alourdi par la neige
touchait déjà le fil tendu.
On évacua le public, et on
démonta le gradin.
Il ne fut pas possible de descendre le chapiteau, les mâts,
les deux rangées de corniches et les poteaux de tour étant tous plantés
profondément dans le terrain très meuble à cause des tonnes de neige déjà sur la
tente.
Le chapiteau ne céda pas car il
était fabriqué avec une toile de coton renforcée de câbles en quadrillage.
Vers deux heures du matin une première série d’explosions en chaine se fit sentir. Il s’agissait des
quatre grands mâts centraux en duralumin qui se rompirent sans se plier sous les
tonnes de neige, le duralumin est léger et très solide, il est utilisé
principalement en aviation.
Quelques minutes plus tard
se fut le tour des deux rangées de (quarter-pôles) corniches intermédiaires.
Au petit matin une vision titanesque de ce qui restait du Big Top.
Seuls quelques poteaux de tour
restaient debout et de leurs pointes descendait la toile le tout recouvert d’une
épaisse couche de neige, le froid et le soleil semblaient se moquer de ce qui
venait de se passer.
On aurait dit le Cirque Maximum de Rome sous la neige.
Maintenant il fallait s’occuper des animaux qui attendaient bien tranquilles dans leurs véhicules.
Autour de nous un désert de neige, pas âme qui vive.
Je regarde dans les cabines des semis ; rien, pas un chat ! (Tous les travailleurs du
cirque à l’exception des chefs dormaient dans les couchettes des cabines de tous
les tracteurs des semis).
Avec le froid et la neige les hommes étaient tous partis pour le centre où ils avaient, espérons-le, trouvé
une place au chaud.
Chez les éléphants ; Rex Williams avait son chef, et moi avec une trentaine de chevaux et une douzaine
d’exotiques, j’étais seul avec Michèle pour s’occuper d’eux, les deux cavalières
des chevaux de haute-école ne s'occupèrent même pas de leur cheval, seule Kathy
Batchelor cavalière de voltige, s'est occupée de ses deux chevaux.
D’abord il fallait se trouver des habits et des chaussures adaptés au froid et à la neige, car le
cirque ne se déplaçait normalement jamais dans de telles conditions.
En arrivant
j’avais repéré un « tack shop » à quelques centaines de mètres. Ces magasins
sont des cavernes d'Ali baba pour cavaliers, on y trouve de tout, de la
sellerie, bien sûr, des accessoires en tout genre, des habits de travail et
aussi toute la gamme de produits vétérinaires en vente libre (antibiotiques,
hormones, etc..). J’y allais d'un bon pas, acheter des bottes en caoutchouc
rembourrées et des vestes en mouton retourné pour Michèle et moi.
Nous voilà
équipé pour passer la journée à faire des navettes à pied dans la neige jusqu’à
une écurie située pas trop loin.
D’abord avec des seaux d’eau, pour abreuver les
animaux assoiffés depuis le soir précédent. Ce qui n’est pas facile, car les
chevaux sont attachés les uns contre les autres en travers des remorques et une
seule porte à l’arrière, il faut s’enfiler sous les encolures avec deux seaux
pleins d’eau.
Puis la même opération avec le foin.
A midi courte pause pour manger et essayer de parler avec Clifford Vargas, il fait la sourde oreille dans
sa caravane cuvant sa cocaïne certainement. Mais je sais qu’il est là, car tôt
le matin j’avais aperçu un de ses jeunes minets entrouvrir la porte pour faire
pisser le chien.
C’était ma foi courant que lorsqu’il y avait des problèmes il
rentrait dans sa coquille et gare à celui qui voulait l’en faire sortir, ses
colères étaient mémorables.
L’après-midi nous continuons notre manège entre les remorques des animaux et la ferme voisine.
Je
crois que jamais je me suis endormi aussi vite le soir. Michèle qui m’avait aidé
toute la journée était exténuée aussi.
Le réveil le matin suivant fut des plus pénibles ; nous ne sentions plus nos bras et nos jambes, quant aux
dos ils chantaient la Traviata.
Après avoir pris soin de
nos animaux, je parti vers la gare routière essayer de trouver quelques
chauffeurs avant qu’ils ne quittent la région. Par chance je réussi à trouver
quatre volontaires pour partir direction Tucson, prochaine place, à environ
515 miles (plus de 800km).
Heureusement tous nos
camions démarrèrent et nous réussîmes à sortir de la place, le fort vent ayant
débarrassé une grande partie de la neige. Je conduirai l’International avec la
semi contenant 18 chevaux. Michèle me suivait avec la semi de notre caravane
tirée par un pick-up Dodge. Elle ne conduisait pas, car elle avait un chauffeur
particulier que le cirque lui avait attribué.
Je donnai mes instructions pour me
suivre en colonne pas trop près les uns des autres, nous ferons une halte à
environ 250 miles puis nous continuerons jusqu’à bon port.
Je me souviens de la première partie de la route comme étant de grandes montagnes russes couvertes en
partie de neige verglacée. Dans les descentes il ne fallait pas freiner pour
avoir assez de vitesse pour arriver en haut des montées.
Un vrai rallye des
neiges !
Après quelques miles Michèle m’avertissait par radio CB que son chauffeur conduisait comme un pied,
qu’il était trop près et qu’il freinait intempestivement. Nous décidâmes de nous
arrêter dès que possible et que Michèle conduirait désormais.
Nous arrivâmes le lendemain matin après un long trajet épique, sur la place du cirque où trônait
déjà le deuxième chapiteau arrivé et monté je ne sais pas comment.
Nous avions en effet un chapiteau de secours qui ne suivait pas le cirque et qui était remisé Dieu sait
où.
Enfin Clifford Vargas avait réussi en 48 heures à le faire rapatrier et
monter à Tucson. Le chapiteau était dans le même état que celui détruit à Santa
Fee, c’est-à-dire plein de trous. J’avais appris que certains trous avaient été
faits à la carabine pour vider des poches d’eau formées lors de pluies
torrentielles.
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Le surlendemain matin
arrivèrent les éléphants et les camions survivants.
En effet deux véhicules manquaient ; le « stake's driver » et la « concession ».
Ils avaient eu un grave accident. Le conducteur de la concession s’était arrêté au bord de
l’autoroute verglacée et le chauffeur du « stake driver » qui le suivait avait
voulu faire le même, seulement avec la glace et la distance trop courte il
n’avait pas réussi sa manœuvre et son camion chargé de toutes les pinces du
chapiteau avait percuté l’arrière de la concession, la sellette de celle-ci
s’était rompue et le nez de la semi était entrée dans la cabine du tracteur. La
femme du chauffeur qui dormait dans la couchette avait été tuée dans le choc.
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Le soir même nous devions jouer à Tucson, le gradin ayant été sauvé ce fut possible.
J’envoyai les hommes chercher les caisses contenant les harnais des chevaux. Ces conteneurs voyageaient normalement dans la semi des toilettes. Ils
revinrent bredouilles, le responsable du chargement n’avait pas trouvé ces
caisses sous la neige et n’en avait avisé personne, pensant que nous les avions
déjà prises dans un camion des animaux.
Je décidai de présenter les chevaux sans
harnais et fabriquai des cordelettes pour pouvoir les conduire jusque dans la
piste. De toute façon nous n’allions pas nous énerver c’était la dernière place
de la tournée.
Quelques jours plus tard, je constatai que cinq de mes orteils étaient violacés, ils avaient partiellement gelé
pendant les exploits pour soigner les animaux à Santa Fe.
J'en garde encore
aujourd'hui les stigmates.
N'hésitez pas, contactez-moi par mail, je me ferai un plaisir de vous répondre. |
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FB01.25