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GRAIN DE SEL(LE) ! L'aura d'un grand Maître Copyright © 2005-2024HenriWagneur |
A l'heure actuelle, où il est de mode de
parler de
"nouveaux maîtres", je voudrais mettre mon "grain de sel(le)"
dans cette bataille de clochers.
Et une fois de plus démontrer
qu'il n'y a pas beaucoup de "nouveaux maîtres", mais
ce sont pour la plupart des
opportunistes jouant sur l'ignorance de jeunes
cavaliers.
Un maître laisse des élèves*, des disciples** et des adeptes***,
et seul le temps nous dira qui restera maître parmi les maîtres
de l'art équestre.
Quand une personne obtient la notoriété universelle grâce à ses actes,
on efface son prénom et ses titres et, sans lui manquer de respect, on
dit alors par exemple: Pasteur, Gabin, De Gaulle, Trenet.
Il en va de même pour les grands maîtres en art équestre:
Xenophon, Pluvinel, La Guérinière, Baucher, Fillis ont eux aussi perdu
leur prénom.
A cette liste élogieuse on peut sans autre
rajouter maintenant Oliveira.
Les
Grecs puis la France.
Un survol historique permet de voir plus clair dans la chronologie de
ces personnages.
Le premier véritable maître à avoir laissé des
écrits sur l' art équestre fut Xenophon (400 ans avant
Jésus-Christ). Les Grecs de cette époque furent sûrement ceux qui, les
premiers, vouèrent au dressage du cheval un soin tout particulier.
Il
faut attendre quelque 2000 ans, à l'époque de la
Renaissance des beaux-arts, pour retrouver des écrits de cette valeur
sur l'art de dresser les chevaux, en particulier avec Grisone, écuyer à
l'Académie d'équitation de Naples, berceau de toute
l'équitation européenne de l'époque.
Fin XVIIe siècle et XVIIIe siècle, c'est la France,
avec François Robichon de La Guérinière (je ne résiste pas à donner
pour une fois ses prénoms) entre autres, qui tint le haut du pavé; on
parle encore actuellement de la "Haute École d'Équitation
Classique
Française ". |
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Mais il est difficile de succéder à une
telle
perfection sans engendrer critiques et jalousies. |
On peut dire sans constestation que Nuno Oliveira est un des derniers représentants
de "L'Équitation de
Tradition Française" qui est issue d'une longue histoire incarnée par des écuyers français comme Antoine de Pluvinel,
Salomon de La Broue, François Robichon de La Guérinière, François Baucher, le général Decarpentry et Alexis L'Hotte.
Sa pratique est fondée sur l'harmonie des relations homme-cheval, la légèreté et l'absence de contraintes.
Elle a été inscrite le 27 novembre 2011 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO.
De
l'Art avec un grand A
Celui qui n'a jamais monté ou simplement vu évoluer un cheval dressé par Oliveira
ne peut pas se rendre compte.
Il n'y a pratiquement pas de mots pour
exprimer l'impression d'équilibre physique et psychique que révélaient
ses chevaux.
A ce niveau, on n'ose plus parler de technique,
mais simplement d'Art avec un grand A.
Malheureusement pour nous (et
pour les chevaux :), cette équitation n'a pas grand-chose
à voir avec celle pratiquée de nos jours sur les terrains de
compétition...
J'ai eu la chance de faire la connaissance du Maître en 1961,
lorsqu'il amena le cheval Euclide de M. Auguste Baumeister, au manège
de Meyrin.
Il y ramena aussi plus tard Maestoso-Stornella, un jeune
étalon lipizzan que j'avais auparavant débourré sous le
commandement de René Duclos, ancien écuyer du Cadre noir de Saumur,
alors maître d'équitation dans ce manège genevois.
Maestoso était
resté plus d'un an au Portugal et quand je le remontais, je fus surpris
de la transformation que le génial écuyer avait opéré sur ce petit
cheval. Il était devenu une véritable boule de muscles et se
mouvait avec une souplesse étonnante, j'ai rarement vu un lippizan
effectuer les transitions passage-piaffé et piaffé-passage avec une
telle continuité dans la cadence.
Jusqu'en 1964, j'ai eu
l'honneur et la chance de monter quelques chevaux dressés par Oliveira,
parfois sous sa conduite. Il ne me donnait que très parcimonieusement
ses conseils, peut-être juste ceux nécessaires pour que
je ne ruine pas trop le dressage des chevaux qu'il avai formé.
Un vrai maître
Euclide, l'étalon lusitanien, était très chaud, il avait sailli au
Portugal et était intenable à la main, se cabrant à peine sorti de
l'écurie.
Son propriétaire et moi-même devions monter dessus
dans le box, mais avec Oliveira le cheval se comportait comme un
agneau.
Il pouvait le sortir du box sans aucun problème et l'étalon ne
bougeait pas d'un millimètre au montoir.
Le changement de
comportement des chevaux à l'approche du " maître " était
immédiatement visible, et cette aura qui l'entourait est probablement
comparable à celle qui enveloppait Frédy Knie senior
lorsqu'il évoluait au milieu de ses chevaux en liberté.
Parmi ceux qui ont vu Oliveira, plusieurs pensent que sa monte divine
ne s'adaptait qu'aux chevaux ibériques. Ce n'est pas exact; car si
naturellement les chevaux andalous ou lusitaniens ont été ses
montures de prédilection, je me rappelle entre autres un pur-sang
anglais sortant des courses, Almaraz.
Il avait été acheté au Portugal
dans un piteux état par Mme Marie-Louise Firmenich. Ce bai-brun
confié à Oliveira n'avait plus grand chose à voir avec le cheval vidé
et malingre que j'avais vu quelques mois auparavant ; il était devenu la
beauté même et travaillait avec un sérieux et une légèreté
extraordinaire.
Oliveira a dressé également des chevaux de race russe,
anglo-arabe, et d'autres encore. Sa préférence allait aux chevaux ayant
beaucoup de sang.
Michel Henriquet l'écuyer parisien,
rapporte dans un de ses livres, comment Oliveira avait métamorphosé
Iron-Liège, un pur-sang américain connu pour être pratiquement
indomptable; il avait demandé lui-même à le monter et en quelques
minutes, celui-ci trottait cadencé aux limites du passage sur des rênes
mi-longues.
Tous les chevaux ne se donnaient pas si rapidement;
Oliveira révèle dans ses souvenirs comment, en 1973, l'étalon
Trovatore l'avait jeté violemment au sol et ce n'est qu'après plusieurs
heures d'effort que le cheval s'était donné.
Les grands moments en Suisse
Les heureux qui, comme moi, eurent la chance de voir Oliveira lors de ses présentations au parc des
Eaux-Vives, au manège de Meyrin, ou lors des concours de Genève ou de
Lucerne, se rappelleront peut-être l'impression
incomparable à la fois de calme, de force et de magnificence de ses
chevaux.
Je me souviens aussi, en 1962, de l'inauguration du manège de
Vandoeuvres, où il avait présenté un pas de deux sur
Maestoso-Stornella (petit lippizan que j'avais débourré), accompagné de
Mme Firmenich sur Zafer, le cheval de
M. Casthelaz, puis avait aussi monté Euclide (l'étalon de Monsieur
Auguste Baumeister, que je montais aussi régulièrement), et travaillé
aux
longues-rênes Beau-Geste, le cheval du vétérinaire Araldo
Mastrangelo.
A chaque fois qu'il entrait en piste, je sentais des
frissons le long de mon échine et plus d'une fois, nombre de
spectateurs, témoins d'une émotion si intense, essuyaient discrètement
leurs yeux, victimes de la force qui se dégageait de l'événement.
Son
apparition avait quelque chose de magique...
Depuis son départ, beaucoup d'élèves ou de prétendus élèves du maître
apparaissent comme par enchantement...
D'autres créent des écoles
"oliveiristes" ! Je ne suis pas certain que de son vivant ceci aurait
pu se faire.
D'ailleurs il répondait un jour à un journaliste à la question :
-"Quelle est votre méthode Monsieur Oliveira ?"
Il répondit :
-"Il n'y a pas de méthode Oliveira, il y a autant de méthodes qu'il y a
de chevaux !"
D'après
le Centre National de Ressources Textuelles
et Lexicales :
*
Elève "...Personne qui
reçoit ou a reçu l'enseignement
d'un maître, ou qui se réclame de lui..."
** Disciple
"...Personne qui reçoit l'enseignement d'un maître..."
***Adepte "..Personne qui participe aux activités d'un
groupe relativement restreint .."
Heureusement, il nous reste ses écrits et aussi des notes relevées la plupart par ses élèves tout au long des milliers de cours qu'il a donnés de par le monde. "L'Art équestre", qui constitue le recueil de tout son œuvre, est une véritable bible pour moi, trônant sur mon bureau. Dans mes moments de doute ou lorsque je déprime sur le dressage d'un cheval, j'ouvre ce livre au hasard, lis une ou deux pages, et me retrouve réconforté. Il suffit de tomber sur des phrases du genre:
"Entre
soutenir et tirer, il y a un monde.."
"La rêne intérieure incurve, ploie; la rêne extérieure enveloppe,
assoit.."
"Il y a le tact de la main, le tact des jambes, le tact de l'assiette
et le tact de la tête.."
Je reste muet après de tels propos !
Pour ceux qui voudraient retrouver des vidéos du Maître, il vous suffit de rechercher sur GOOGLE. Vous tapez son nom et vous trouverez des interviews et des vidéos. Malheureusement ces vidéos sont en noir et blanc et souvent de mauvaise qualité. Mais cela vaut quand même la peine de les regarder.
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