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Début décembre 1978, par un temps exécrable, (neige et verglas) nous
entreprenons le long voyage jusqu'à Osnabrück dans le Nord de
l'Allemagne aux quartiers d'hiver des deux frères Althoff, Corty et
Giovanni.
Il s'agissait d'un groupe de bâtiments
en "U"
d'un ancien haras avec une énorme cour
interne où se trouvaient alignés "au carreau" tous les véhicules des deux
cirques.
- Un bâtiment pour les animaux de Corty : huit éléphantes
asiatiques, un groupe de chevaux et un groupe de six ou huit tigres.
- Un bâtiment pour les animaux de Giovanni : douze étalons lipizzans
pour une liberté, huit poneys de robes différentes, un étalon arabe pour
les debouts, douze poneys tachetés léopard, huit éléphantes
asiatiques et deux jeunes africaines (il y en avait trois une année plus
tôt !) et cinq ou six pestes de chèvres libres dans l'écurie.
Il ne faut
pas oublier nos deux chevaux Quinchoso et Imperador ainsi que Domino.
- Et encore un bâtiment : L'ancien manège pour
les répétitions d'un côté et de l'autre la cage et les remorques
des huit tigres de Werner Stiebner (décédé en 2012). |
En arrivant une fois nos chevaux installés dans l'écurie, je place ma caravane le long
du manège...
Grosse erreur !
En quelques jours à la suite de la neige, de
la pluie et du gel combinés, le véhicule se trouve emprisonné dans une
gigantesque stalactite qui tombe du cheneau. On peut juste ouvrir la
porte pour sortir...
Première chose avant de prendre
en mains les chevaux pour les répétitions, c'est d'éjecter les chèvres qui squattent,
rongent et salissent toute l'écurie. |
Afin de renouveler le numéro de
liberté, il était coutume de faire un tournus.
Les six premiers chevaux
étaient alors vendus, en l'occurrence à un cirque italien et remplacés par six
jeunes étalons, que je devais dresser en trois mois (en
général cela s'exécute au minimum en un an ...).
Les six anciens
prendront les places 1 à 6 dans le groupe et les jeunes 7 à 12.
Les 6 nouveaux commencèrent le travail à la longe bien évidemment, par
une base individuelle que Fredy Knie Senior appelait l'"A-B-C"
: Avec
notamment l'apprentissage des trois allures, de l'arrêt, de l'appel, du
reculer, des petites voltes, tout cela sur les deux mains.
D'abord un seul cheval à la
fois, puis deux, puis trois et ainsi de suite.
Chaque cheval venait à
l'entrainement pour quatre à cinq fois par jour à raison de quinze à
vingt minutes maximums.
Michèle préparait deux thermos de café pour tenir le
coup tout le jour.
Puis je prenais les six premiers avec le
numéro 7, puis avec le 7 et le 8, puis le 7 le 8 et le 9.
Jusqu'à avoir
les six anciens avec les six nouveaux.
Tous à la longe, notamment
pour apprendre le "par deux" et enfin le "par six".
Je vous laisse imaginer lorsqu'un des chevaux
opérait un demi-tour ...
C'était alors le moment de lâcher toutes les longes, les six noires et
les six brunes... Il fallait démêler chevaux et longes... Pas triste
lorsque l'on sait qu'il s'agissait de douze étalons, dont quelques
anciens auraient bien voulu faire la peau à un des jeunets.
L'adorable épouse du
directeur,
Evelyn Althoff (décédée en janvier 2015) présentait un petit groupe de jeunes éléphantes africaines. Giovanni
m'avait demandé de faire en sorte qu'une d'eux marche sur une
poutre située entre deux tabourets. |
Un beau matin de février on me
dit :
- "Faut que vous alliez chercher à la gare vos chameaux..."
Je n'étais pas au courant, comme surprise c'était réussi !
La gare
n'était pas loin mais je pris la remorque sans plafond utilisée derrière
un tracteur pour déplacer les animaux de la gare au cirque. Car durant
la tournée les animaux voyageaient par le train.
Je trouvais mon
wagon, et à l'intérieur en fait de chameaux, il s'agissait de six
dromadaires femelles, non dressées qui venaient probablement de zoos.
Ainsi il me fallut
plusieurs heures pour arriver à les attraper, les charger dans la
remorque et les conduire aux écuries.
Giovanni voulait que je les
dresse pour la tournée...
J'expliquai que ce n'était pas possible en
quelques semaines et que j'avais déjà suffisamment à faire avec les
chevaux.
Ces animaux ainsi que les douze poneys tachetés resteront
aux quartiers d'hiver pendant la tournée.
Fin février les monteurs
arrivent, polonais pour la plupart. On m'attribue généreusement trois
d'entre-eux pour les chevaux !
Une nuit vers minuit, nous sommes
réveillés par un vacarme de bruits de moteurs et de cris.
Nous nous
levons dans l'angoisse. Sur le moment je pense à un incendie ...
Que nenni !
Tous les véhicules des deux cirques qui se
trouvaient dans la cour sortaient les uns après les autres et
s'alignaient le long de la route menant à la gare.
Enfin
quelqu'un me renseigna : Il s'agissait d'un exercice !
En effet, une fois la cour complétement vide, les
véhicules procédaient à un demi-tour au bout de la route près des voies
de chemin de fer et
revenaient se placer à nouveau dans la cour sous les ordres des deux
chefs du personnel.
Ca criait, ça hurlait jusqu'à que chaque
véhicule se trouve en place, parfaitement aligné.
Heureusement
que les animaux ne furent pas mêlés à cet exercice.
Au petit matin
tout était rentré dans l'ordre, comme si rien ne s'était passé...
En mars nous
partons enfin. Tout le matériel et les remorques du cirque ainsi que
les animaux voyagent avec le train.
Par la route les artistes,
quelques caravanes et les Wagneur bien entendu.
Tout ce passe
pour le mieux, pour l'instant. Giovanni est, parait-il content de
mon travail...
Le numéro de liberté des douze chevaux fonctionne bien
dans les mains de Micha, le fils d'Ivan Dimitri ?
Evelyn s'en
sort bien avec l'éléphante sur la poutre.
Nous étions à
Garmisch-Partenkirchen pour une petite semaine.
Dès le deuxième jour un jeune homme de 15-16 ans, vient voir les
animaux et me demande gentiment s'il peut aider. Il connait bien les
chevaux, son grand-père en possédant.
Son aide est la bienvenue car deux
de mes hommes ont été envoyés au chapiteau qui se trouvait en manque de
bras.
Il viendra tous les jours en vélo et du matin au soir nous
donner un bon coup de main.
Pansage, nourrissage, préparation des
chevaux pour les entrainements et les shows.
Le dernier samedi,
tout d'un coup je le trouve à terre dans les pieds des chevaux pris de
convulsions. Je le sors de cette dangereuse posture.
Je comprends
rapidement qu'il s'agit d'une crise d'épilepsie qui passa heureusement très rapidement. Il s'excusa de ne pas nous en avoir parler.
Mais je ne lui en voulais pas, il était si gentil.
Tout de même je lui
demandai simplement de ne plus se mettre en danger.
Il revint le
lendemain, dernier jour et assista jusqu'au chargement des chevaux dans
le train. Puis disparu mystérieusement, j'aurais voulu lui donner un
petit cadeau.
Le lundi arrivés dans la
nouvelle ville (le ne me rappelle pas laquelle), nous montons les écuries
rapidement et allons chercher les animaux à la gare. Je contrôlai comme
d'habitude que tous les wagons étaient vide quand j'aperçu une
bicyclette, celle de notre aide de Garmisch..
Je demandai aux personnes des écuries, ce que cela voulait dire, est-ce que
le jeune homme était venu avec le train ?
Et bien non !
Un homme avoua que le vélo avait été chargé en douce dans le but de le
revendre.
J'étais estomaqué et j'en parlai au chef du bureau qui ne
sembla pas étonné. Le vélo avait disparu aussi vite qu'il avait apparu.
J'étais vraiment mal pour ce jeune homme.
Je savais, on
m'avait averti que certains travailleurs faisaient du commerce...
Notamment qu'ils revendaient les bombonnes de gaz pleines des caravanes
des artistes, qu'ils changeaient pendant le spectacle contre des vides.
On m'avait averti de mettre un cadenas au coffre de la caravane.
Fin de l'été les deux cirques des frères Althoff se
réunissent pour Berlin, environ un mois d'un spectacle grandiose avec
les meilleurs numéros des deux.
Il faut se rappeler qu'en 1979 il y a
toujours deux Allemagne et deux Berlin par conséquent.
Le gros des
cirques voyage par le train et avec quelques artistes nous voyageons par
l'autoroute-corridor A24 à travers l'Allemagne de l'Est.
Je me
souviens être arrivé en premier sur la grande place où nous devions
monter le chapiteau.
Au beau milieu, tronait un seul et unique véhicule : La
caravane du colleur d'affiches. Vide ! Archi vide !
Nous avions
constaté que dans la partie de la ville traversée, il n'y avait aucune
affiche.
Nous apprîmes
ce qui s'était passé : Le poseur d'affiches,
envoyé une dizaine de jours avant notre arrivée, avait été débauché par un
autre cirque qui était déjà installé sur une autre place.
Je ne
vous dis pas la rage des directeurs qui partirent le soir même en
commando, munis des "ankus" afin de détruire les affiches du cirque
concurrent et peut-être plus...
Un grand chapiteau fut monté avec
une piste plus grande que normale afin que les deux troupeaux d'éléphants
puissent y performer. Ce qui ne fut pas du gout des chevaux qui n'avaient
plus le repaire de la banquette. C'était compliqué, mais on est arrivé à
présenter les libertés presque normalement..
Si le nom de l'"Ours de Berlin"
est connu pour un célèbre festival du film ; Dans notre cas on aurait dû
dire : "le tigre de Berlin".
Voici l'histoire :
La première
semaine ce sont les tigres de Corty qui font le spectacle.
Il ne
faut pas oublier, les dix-huit éléphants, les seize chevaux, les huit
poneys et les ours polaires...
Maigre
public, malgré les affiches remises en grande quantité, les séances sont
à moitié pleines.
Le premier dimanche,
au matin, entrainement ouvert au public
(maigre aussi). |
Les ouvriers ont alors ouvert
deux éléments de la grande cage et le dresseur a poussé le tigre à
l'intérieur, puis dans le tunnel et sa roulotte.
Ouf !
Mais ce
n'est pas fini !
Le service de publicité n'a pas manqué d'avertir de
l'incident les journalistes et la télévision régionale.
Si bien que le
jour même à la télévision il y avait une interview et le lendemain sur
les journaux un compte-rendu de l'escapade.
Dès le lundi et
jusqu'à la fin de notre séjour le cirque a travaillé à guichets fermés
et l'on ne comptait pas le nombre de gens qui lorsqu'ils achetaient leur
billet demandaient si le tigre ne risquait pas de ressortir de la cage.
C'était un bon coup de pub. Dailleurs dans certains cirques il est
coutumier de fabriquer des coups de ce genre : Je me rappelle chez Jean
Richard, un dresseur de fauve se présenta avec un bandage au bras sur
lequel il avait étendu du Ketchup...
Rien à voir avec la chanson
d'Hervé Vilard, mais ça ne finit pas mieux :
En effet, nous quittons
Berlin pour un séjour de la tournée à Osnabrück. (Retour aux sources).
J'installe ma caravane et comme d'habitude me rends au train du cirque
chercher les hommes d'écurie pour monter la tente.
Et là c'est la
stupeur !
Le personnel n'est pas présent à l'exception que quelques
vieux fidèles. Je n'ai aucun aide pour le montage de l'écurie !
On
m'explique qu'à Berlin il y a beaucoup d'offres de travail, mieux payées
qu'au cirque et que les hommes ont simplement abandonné le cirque.
Pour le montage du chapiteau on réquisitionne tout ce qui est
disponible, y compris les artistes et on me dit de me débrouiller,
éventuellement d'aller moi-même chercher de la main-d'oeuvre en ville...
Michèle et moi retroussons nos manches et commençons le montage de
la tente des chevaux sous une pluie froide. Le marteau-planteur qui nous sert normalement
pour les pinces est en panne.
Pour l'écurie des éléphants Micha
utilise celui du chapiteau qui lui est repris à peine les pinces plantées.
Nous sommes bon pour utiliser les masses !
C'est crevant. Le soir
nous pouvons enfin installer les chevaux et dormir d'un bon sommeil
réparateur.
Le lendemain je cherche en vain à parler avec
Giovanni, qui a mystérieusement disparu...
Et j'arrive à
récupérer deux "bras cassés" pour nous aider.
Les jours se
suivent jusqu'au dernier jour de la ville d'Osnabrück.
Epuisé,
dégouté, malade (sous antibiotique à cause d'une pneumonie) ; Je mets mes conditions :
- "Je veux
les hommes correspondant au nombre que j'avais en début de saison,
sinon..."
Le chef du bureau me dit désolé (il a toujours été très gentil avec
nous) :
- "Giovanni a dit que si ça
ne vous convient pas, vous pouvez partir..."
Impossible
de continuer dans de telles conditions. J'explique alors que
le lendemain je ne rejoindrai pas la nouvelle place.
Une personne
bien intentionnée et bien au courant des usages, me conseille de partir
au plus vite, car il est arrivé dans certains cas que les pneus des
véhicules de dissidents soient crevés pour les empêcher de partir.
Dans la peur nous plions bagages et partons pendant la nuit pour la
Suisse. Sans nous arrêter comme conseillé. On se rappelle les aventures
des afficheurs à Berlin...
A la douane aucun problème, on nous
tamponne le livret ATA, mais heureusement on ne nous demande pas de
certificats vétérinaires comme il est normal pour des animaux qui
viennent après un long séjour à l'étranger.
C'est lundi les
fonctionnaires sont trop occupés avec le trafic des marchandises.
OUF !
A peine installés
provisoirement à Chavannes-des-Bois auprès du Poney-Club des deux soeurs
de Michèle (elles avaient repris mes poneys d'école) j'étudie les
nombreuses propositions pour la saison 1980.
C'est le grand cirque
américain Vargas qui fut choisi. Nous devons commencer fin janvier,
début février.
C'est de gros préparatifs, mais une expérience
extraordinaire !
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