HENRI WAGNEUR
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L'arrivée

Début décembre 1978, par un temps exécrable, (neige et verglas) nous entreprenons le long voyage jusqu'à Osnabrück dans le Nord de l'Allemagne aux quartiers d'hiver des deux frères Althoff, Corty et Giovanni.
Il s'agissait d'un groupe de bâtiments en "U" d'un ancien haras  avec une énorme cour interne où se trouvaient alignés "au carreau" tous les véhicules des deux cirques.

  - Un bâtiment pour les animaux de Corty : huit éléphantes asiatiques, un groupe de chevaux et un groupe de six ou huit tigres.
  - Un bâtiment pour les animaux de Giovanni : douze étalons lipizzans pour une liberté, huit poneys de robes différentes, un étalon arabe pour les debouts, douze  poneys tachetés léopard,  huit éléphantes asiatiques et deux jeunes africaines (il y en avait trois une année plus tôt !) et cinq ou six pestes de chèvres libres dans l'écurie.
Il ne faut pas oublier nos deux chevaux Quinchoso et Imperador ainsi que Domino.

   - Et encore un bâtiment : L'ancien manège pour les répétitions d'un côté et de l'autre la cage et les remorques des huit tigres de Werner Stiebner (décédé en 2012).

  - A l'extérieur il y avait non seulement tous les véhicules, mais aussi les remorques avec le groupe incroyable des ours blanc d'Ivan  Dimitri.  Huit ou dix ours polaires énormes et dressés tout comme ceux que l'on a pu admirer chez Knie avec Ursula Böttcher en 1984. Ce fut pour moi un choc, je n'avais jamais approché de tels monstres...

En arrivant une fois nos chevaux installés dans l'écurie, je place ma caravane le long du manège...
Grosse erreur !
En quelques jours à la suite de la neige, de la pluie et du gel combinés, le véhicule se trouve emprisonné dans une gigantesque stalactite qui tombe du cheneau. On peut juste ouvrir la porte pour sortir...


Les chèvres

Première chose avant de prendre en mains les chevaux pour les répétitions, c'est d'éjecter les chèvres qui squattent, rongent et salissent toute l'écurie.
La direction est d'accord pour que je trouve  une place pour ces pestes. Le zoo d'Osnabrück les accepte.
Mais...
Le gardien qui dort dans l'écurie sur un lit-de-camp (avec la plus grande et la plus sale des chèvres) n'est pas d'accord et crie au scandale :
     - "Wenn sie geht ; Ich gehe mit Greta !"
(je ne sais pas vraiment pourquoi, certains doutes quand même...).
A la fin il est obligé d'être d'accord car le zoo veut bien prendre les chèvres, mais un bouc sur deux pattes : Non !

D'ailleurs ce pauvre homme puait tellement que plus tard, au début de la tournée, il sera un jour attrapé par les hommes des éléphants, mené derrière l'écurie, mis complétement nu, un coup de tondeuse à chevaux dans les cheveux, lavé de A à Z avec le shampoing des animaux, puis rerhabillé avec des habits que j'ai trouvés ici et là !


La liberté

Afin de renouveler le numéro de liberté, il était coutume de faire un tournus.
Les six premiers chevaux étaient alors vendus, en l'occurrence à un cirque italien et remplacés par six jeunes étalons, que je devais dresser en trois mois (en général cela s'exécute au minimum en un an ...).
Les six anciens prendront les places 1 à 6 dans le groupe et les jeunes 7 à 12.
Les 6 nouveaux commencèrent le travail à la longe bien évidemment, par une base individuelle que Fredy Knie Senior appelait l'"A-B-C" : Avec notamment l'apprentissage des trois allures, de l'arrêt, de l'appel, du reculer, des petites voltes, tout cela sur les deux mains.
D'abord un seul cheval à la fois, puis deux, puis trois et ainsi de suite.

Chaque cheval venait à l'entrainement pour quatre à cinq fois par jour à raison de quinze à vingt minutes maximums.

Michèle préparait deux thermos de café pour tenir le coup tout le jour.

Puis je prenais les six premiers avec le numéro 7, puis avec le 7 et le 8, puis le 7 le 8 et le 9.
Jusqu'à avoir les six anciens avec les six nouveaux.
Tous à la longe, notamment pour apprendre le "par deux" et enfin le "par six".

Je vous laisse imaginer lorsqu'un des chevaux opérait un demi-tour ... C'était alors le moment de lâcher toutes les longes, les six noires et les six brunes... Il fallait démêler chevaux et longes... Pas triste lorsque l'on sait qu'il s'agissait de douze étalons, dont quelques anciens auraient bien voulu faire la peau à un des jeunets.


Evelyn

L'adorable épouse du directeur, Evelyn Althoff (décédée en janvier 2015) présentait un petit groupe de jeunes éléphantes africaines. Giovanni m'avait demandé de faire en sorte qu'une d'eux marche sur une poutre située entre deux tabourets.

Evelyn et moi nous nous mîmes à la tâche et la gentille éléphante Saby s'exécuta en quelques jours.
Bien que je n'eusse pas beaucoup exercé ce genre d'animal, ce fut rapide et facile.


Les dromadaires

Un beau matin de février on me dit :
     - "Faut que vous alliez chercher à la gare vos chameaux..."

Je n'étais pas au courant, comme surprise c'était réussi !

La gare n'était pas loin mais je pris la remorque sans plafond utilisée derrière un tracteur pour déplacer les animaux de la gare au cirque. Car durant la tournée les animaux voyageaient par le train.
Je trouvais mon wagon, et à l'intérieur en fait de chameaux, il s'agissait de six dromadaires femelles, non dressées qui venaient probablement de zoos. 
Ainsi il me fallut plusieurs heures pour arriver à les attraper, les charger dans la remorque et les conduire aux écuries.

Giovanni voulait que je les dresse pour la tournée...
J'expliquai que ce n'était pas possible en quelques semaines et que j'avais déjà suffisamment à faire avec les chevaux.

Ces animaux ainsi que les douze poneys tachetés resteront aux quartiers d'hiver pendant la tournée.


Le faux départ

Fin février les monteurs arrivent, polonais pour la plupart. On m'attribue généreusement trois d'entre-eux pour les chevaux !

Une nuit vers minuit, nous sommes réveillés par un vacarme de bruits de moteurs et de cris.
Nous nous levons dans l'angoisse. Sur le moment je pense à un incendie ...

Que nenni !
Tous les véhicules des deux cirques qui se trouvaient dans la cour sortaient les uns après les autres et s'alignaient le long de la route menant à la gare.

Enfin quelqu'un me renseigna : Il s'agissait d'un exercice !

En effet, une fois la cour complétement vide, les véhicules procédaient à un demi-tour au bout de la route près des voies de chemin de fer et revenaient se placer à nouveau dans la cour sous les ordres des deux chefs du personnel.

Ca criait, ça hurlait jusqu'à que chaque véhicule se trouve en place, parfaitement aligné.

Heureusement que les animaux ne furent pas mêlés à cet exercice.

Au petit matin tout était rentré dans l'ordre, comme si rien ne s'était passé...


Le début de saison

En mars nous partons enfin. Tout le matériel et les remorques du cirque ainsi que les animaux voyagent avec le train.
Par la route les artistes, quelques caravanes et les Wagneur bien entendu.
Tout ce passe pour le mieux, pour l'instant.  Giovanni est, parait-il content de mon travail...
Le numéro de liberté des douze chevaux fonctionne bien dans les mains de Micha, le fils d'Ivan Dimitri ?
Evelyn s'en sort bien avec l'éléphante sur la poutre.


Photos de la tournée
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Quelques anecdotes qui se ont déroulées  en 1979 en Allemagne
Triste histoire

Nous étions à Garmisch-Partenkirchen pour une petite semaine.
Dès le deuxième jour un jeune homme de 15-16 ans, vient voir les animaux et me demande gentiment s'il peut aider. Il connait bien les chevaux, son grand-père en possédant.
Son aide est la bienvenue car deux de mes hommes ont été envoyés au chapiteau qui se trouvait en manque de bras.
Il viendra tous les jours en vélo et du matin au soir nous donner un bon coup de main.
Pansage, nourrissage, préparation des chevaux pour les entrainements et les shows.

Le dernier samedi, tout d'un coup je le trouve à terre dans les pieds des chevaux pris de convulsions. Je le sors de cette dangereuse posture.
Je comprends rapidement qu'il s'agit d'une crise d'épilepsie qui passa heureusement très rapidement. Il s'excusa de ne pas nous en avoir parler. Mais je ne lui en voulais pas, il était si gentil.
Tout de même je lui demandai simplement de ne plus se mettre en danger.

Il revint le lendemain, dernier jour et assista jusqu'au chargement des chevaux dans le train. Puis disparu mystérieusement, j'aurais voulu lui donner un petit cadeau.

Le lundi arrivés dans la nouvelle ville (le ne me rappelle pas laquelle), nous montons les écuries rapidement et allons chercher les animaux à la gare. Je contrôlai comme d'habitude que tous les wagons étaient vide quand j'aperçu une bicyclette, celle de notre aide de Garmisch..
Je demandai aux personnes des écuries, ce que cela voulait dire, est-ce que le jeune homme était venu avec le train ?

Et bien non !

Un homme avoua que le vélo avait été chargé en douce dans le but de le revendre.
J'étais estomaqué et j'en parlai au chef du bureau qui ne sembla pas étonné. Le vélo avait disparu aussi vite qu'il avait apparu.

J'étais vraiment mal pour ce jeune homme.

Je savais, on m'avait averti que certains travailleurs faisaient du commerce...
Notamment qu'ils revendaient les bombonnes de gaz pleines des caravanes des artistes, qu'ils changeaient pendant le spectacle contre des vides. On m'avait averti de mettre un cadenas au coffre de la caravane.


Arrivée à Berlin

Fin de l'été les deux cirques des frères Althoff se réunissent pour Berlin, environ un mois d'un spectacle grandiose avec les meilleurs numéros des deux.

Il faut se rappeler qu'en 1979 il y a toujours deux Allemagne et deux Berlin par conséquent.
Le gros des cirques voyage par le train et avec quelques artistes nous voyageons par l'autoroute-corridor A24 à travers l'Allemagne de l'Est.
Je me souviens être arrivé en premier sur la grande place où nous devions monter le chapiteau.
Au beau milieu, tronait un seul et unique véhicule : La caravane du colleur d'affiches. Vide ! Archi vide !

Nous avions constaté que dans la partie de la ville traversée, il n'y avait aucune affiche.
Nous apprîmes ce qui s'était passé : Le poseur d'affiches, envoyé une dizaine de jours avant notre arrivée, avait été débauché par un autre cirque qui était déjà installé sur une autre place.

Je ne vous dis pas la rage des directeurs qui partirent le soir même en commando, munis des "ankus" afin de détruire les affiches du cirque concurrent et peut-être plus...

Un grand chapiteau fut monté avec une piste plus grande que normale afin que les deux troupeaux d'éléphants puissent y performer. Ce qui ne fut pas du gout des chevaux qui n'avaient plus le repaire de la banquette. C'était compliqué, mais on est arrivé à présenter les libertés presque normalement..


Le Tigre de Berlin

Si le nom de l'"Ours de Berlin" est connu pour un célèbre festival du film ; Dans notre cas on aurait dû dire : "le tigre de Berlin".

Voici l'histoire :
La première semaine ce sont les tigres de Corty qui font le spectacle.
Il ne faut pas oublier, les dix-huit éléphants, les seize chevaux, les huit poneys et les ours polaires...
Maigre public, malgré les affiches remises en grande quantité, les séances sont à moitié pleines.

Le premier dimanche, au matin, entrainement ouvert au public (maigre aussi).

Ce sont les tigres de Werner Stiebner qui arrivent en cage.
Je suis là, à côté du tunnel et immédiatement je constate le comportement anormal du premier tigre sur ma gauche. Il n'est pas tranquille sur son tabouret et il fixe le haut de la cage centrale.
Et ni une ni deux il escalade la cage et saute dans les gradins.
Pour un entrainement, le dresseur n'avait pas cru nécessaire de monter le filet qui couvre normalement les grilles. Le tigre s'enfile sous les gradins et on demande au public de ne pas bouger.
J'aide à faire sortir les tigres restants par le tunnel et cours fermer les écuries. Je me rappelle le conseil de Fredy Knie Senior :
   - "Si un fauve s'échappe, tu ne risques rien si tu ne cours pas, cependant tu vas vite fermer les écuries pour protéger les chevaux. Mais si c'est un singe qui s'échappe... Vas vite t'enfermer dans la caravane, c'est nettement plus dangereux qu'un fauve !"

Les ouvriers ont alors ouvert deux éléments de la grande cage et le dresseur a poussé le tigre à l'intérieur, puis dans le tunnel et sa roulotte.
Ouf !

Mais ce n'est pas fini !
Le service de publicité n'a pas manqué d'avertir de l'incident les journalistes et la télévision régionale.
Si bien que le jour même à la télévision il y avait une interview et le lendemain sur les journaux un compte-rendu de l'escapade.

Dès le lundi et jusqu'à la fin de notre séjour le cirque a travaillé à guichets fermés et l'on ne comptait pas le nombre de gens qui lorsqu'ils achetaient leur billet demandaient si le tigre ne risquait pas de ressortir de la cage.

C'était un bon coup de pub. Dailleurs dans certains cirques il est coutumier de fabriquer des coups de ce genre : Je me rappelle chez Jean Richard, un dresseur de fauve se présenta avec un bandage au bras sur lequel il avait étendu du Ketchup...


Berlin s'est fini

Rien à voir avec la chanson d'Hervé Vilard, mais ça ne finit pas mieux :
En effet, nous quittons Berlin pour un séjour de la tournée à Osnabrück. (Retour aux sources).
J'installe ma caravane et comme d'habitude me rends au train du cirque chercher les hommes d'écurie pour monter la tente.
Et là c'est la stupeur !
Le personnel n'est pas présent à l'exception que quelques vieux fidèles. Je n'ai aucun aide pour le montage de l'écurie !
On m'explique qu'à Berlin il y a beaucoup d'offres de travail, mieux payées qu'au cirque et que les hommes ont simplement abandonné le cirque.
Pour le montage du chapiteau on réquisitionne tout ce qui est disponible, y compris les artistes et on me dit de me débrouiller, éventuellement d'aller moi-même chercher de la main-d'oeuvre en ville...

Michèle et moi retroussons nos manches et commençons le montage de la tente des chevaux sous une pluie froide. Le marteau-planteur qui nous sert normalement pour les pinces est en panne. 
Pour l'écurie des éléphants Micha utilise celui du chapiteau qui lui est repris à peine les pinces plantées.

Nous sommes bon pour utiliser les masses !

C'est crevant. Le soir nous pouvons enfin installer les chevaux et dormir d'un bon sommeil réparateur.

Le lendemain je cherche en vain à parler avec Giovanni, qui a mystérieusement disparu...

Et j'arrive à récupérer deux "bras cassés" pour nous aider.


Clap de fin !

Les jours se suivent jusqu'au dernier jour de la ville d'Osnabrück.
Epuisé, dégouté, malade (sous antibiotique à cause d'une pneumonie) ; Je mets mes conditions :
   - "Je veux les hommes correspondant au nombre que j'avais en début de saison, sinon..."

Le chef du bureau me dit désolé (il a toujours été très gentil avec nous) :
  - "Giovanni a dit que si ça ne vous convient pas, vous pouvez partir..."


Impossible de continuer dans de telles conditions. J'explique alors que le lendemain je ne rejoindrai pas la nouvelle place.

Une personne bien intentionnée et bien au courant des usages, me conseille de partir au plus vite, car il est arrivé dans certains cas que les pneus des véhicules de dissidents soient crevés pour les empêcher de partir.

Dans la peur nous plions bagages et partons pendant la nuit pour la Suisse. Sans nous arrêter comme conseillé. On se rappelle les aventures des afficheurs à Berlin...

A la douane aucun problème, on nous tamponne le livret ATA, mais heureusement on ne nous demande pas de certificats vétérinaires comme il est normal pour des animaux qui viennent après un long séjour à l'étranger.
C'est lundi les fonctionnaires sont trop occupés avec le trafic des marchandises.

OUF !


La grande décision

A peine installés provisoirement à Chavannes-des-Bois auprès du Poney-Club des deux soeurs de Michèle (elles avaient repris mes poneys d'école) j'étudie les nombreuses propositions pour la saison 1980.

C'est le grand cirque américain Vargas qui fut choisi. Nous devons commencer fin janvier, début février.

C'est de gros préparatifs, mais une expérience extraordinaire !


photo LE CIRQUE VARGAS 1980-1981


Merci à Fabrice Vallon, Jean Pierre Jerva, Arianne Bertrand, Fabien Arpin-Pont, Patricia Philipona, Martine Simon, Christian Sudre et tous les autres pour les photos qu'ils ont mises gentiment à disposition pour orner la page (et les suivantes).

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ANNÉES LIEUX ÉVÉNEMENTS LIENS
1954 Meyrin, Chavannes-des-bois Débuts-Manège des Bois
1978 Suisse Circus Nock
1979 Allemagne Circus Althoff
1980 USA Cirque Vargas
1982 Suisse Circus Nock
1983 Italie Circo Moira Orfei
1985 Sicile Parco Zoo, Centro Ippico
1989 Prez-vers-Noréaz Centre Équestre
1997 Lausanne, Berne, Avenches.. ACB-Shows
2002 Berne, Palexpo, Vérone... Brindle Horse
2004 Cerrione, Italie Allevamento PRE
2005 France Cirque Arlette Gruss
2007 France Cirque Arlette Gruss
2008 Donatyre-Avenches École du Spectacle Équestre
2011 Romandie Cirque Helvetia
2012 Romandie Cirque Helvetia
2013 Romandie Cirque Helvetia
2014 Romandie Cirque Helvetia
2015 Romandie Cirque Helvetia
2016 France-Monaco Cirque Piedon
2017 Romont Installation
2018 Romont Puces-Remorque théâtre
2019 Romont Travaux maison
2020 Romont Covid-Remorque caravane
2021 Romont-Genève Cirque de Noël
2022 Romont Annus horribilis
2023 Romont Réformé ? Pas encore !
2024 Romont Début tranquilou !
2025 Romont Bientôt des nouvelles !


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