HENRI WAGNEUR
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La grande décision !

A peine installés provisoirement à Chavannes-des-Bois auprès du Poney-Club des deux soeurs de Michèle (elles avaient repris mes poneys d'école) j'étudie les nombreuses propositions pour la saison 1980.

C'est le grand cirque américain Vargas,  qui fut choisi. Nous devons commencer fin janvier, début février.
C'est de gros préparatifs, mais une expérience extraordinaire !
Une carte blanche pour présenter sur les trois "ring", trois groupes de chevaux en liberté, (huit Appaloosa, huit Andalous et six Arabes), ainsi que des animaux exotiques avec chameaux, dromadaires, zèbres, zébroïdes et chevaux de haute école.

Fin 1979 je vends nos deux chevaux lusitaniens (à de bonnes places) et aussi nos véhicules.

DOMINO au cirque Knie

Pendant les années, 1980 et 1981 que nous avons passées aux USA auprès du Cirque Vargas, il n'était pas possible d'embarquer Domino avec nous.
Très gentiment Fedy Knie nous proposa de le garder dans son cirque. 

Il fut même incorporé à un numéro avec son fils Géronimo (Nougat).

Et quand je suis retourné le chercher au début 1982, je me rappelle les mots de Marie-José Knie :

     - "Mais il fait partie de notre famille maintenant !"

C'est certain qu'avec son charme il avait séduit toute la famille Knie.
Une véritable aventure, c'est durant ces deux années que je maîtrise enfin l'anglais (par obligation).
Quels souvenirs !
Le plus grand chapiteau mondial itinérant : 3 pistes, un hippodrome track (piste entre le public et les rings), 90 mètres de long.
Michèle et moi présentons ensemble sur des pistes différentes : libertés, exotiques, haute école, et deux parades sur "l'hippodrome track".


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Par exemple voici le programme d'une semaine type
Lundi nouvelle ville
1 ou 2 shows

Mardi 2 ou 3 shows
puis voyage de nuit

Mercredi nouvelle ville
1 ou 2 shows

Jeudi 2 ou 3 shows
puis voyage de nuit

Vendredi nouvelle ville
1 ou 2 shows

Samedi 3 shows

Dimanche 3 shows
puis voyage de nuit

Etc..
Chaque voyage (de nuit) allait de 50 miles (80 km) à un maximum de 400 miles (650 km).
La saison durait environ 11 mois.
L'été au Nord, l'hiver au Sud.
Pas besoin de faire du régime pour garder la ligne !

Quelques anecdotes qui se ont déroulées pendant les années 1980 et 1981 au USA
La malédiction

Le voyage en avion nous amena à Phoenix en passant par une escale à Las Vegas.
Nous arrivons de nuit et c'est là que la malédiction
des transports en avion continue : nos bagages sont perdus ! (Nous les avons récupérés heureusement le lendemain).
A l'aéroport un chauffeur de Vargas nous attend, nous conduit devant notre caravane, nous remet les clefs et nous dit :
   - "See you tomorrow for training with horses".

Je compris que le lendemain j'allais commencer les répétitions avec les chevaux.
Nous entrâmes dans l'énorme caravane (semi-remorque), neuve, très neuve ! Puisqu'il n'y avait rien dedans que les meubles encore couverts des protections en plastique...
Et nous n'avions rien pour nous puisque les bagages n'avaient pas suivi.
Heureusement le centre commercial (mall) où était implanté le cirque était ouvert 24/24.
Nous avons acheté le strict nécessaire : Brosse à dents, couvertures pour les lits, matériel de cuisine et de quoi nous sustenter.


Le début
Le lendemain après un court sommeil, visite au géant, là où j'allais exercer mes "talents".

Puis ce fut le tour de découvrir les chevaux :
Trois groupes de libertés : six arabes, huit Appaloosa et huit andalous dont deux en piteux état.
En plus il y avait des chameaux, des zèbres et des poneys.
Un groupe de lions et les treize ou quatorze éléphants étaient sous la conduite de leurs dresseurs respectifs.

Le soir même je devais présenter un des trois groupes des chevaux en liberté au minimum pour la Première de la tournée.
Je ne connaissais même pas leurs noms, mais au moins d’après les photos je vis quelques-unes des figures qu’ils avaient l’habitude de faire.
Je choisi les Appaloosa car plus facile de les repérer sur les photos que les bais arabes et les gris andalous.
Je pus répéter une seule fois et le soir avec des costumes empruntés à la gigantesque garde-robe tenue par deux Petites Sœurs de Jésus, dont Priscilla une fille de la famille Bühlmann de l’ancien cirque suisse Pilatus, je me débrouillai tant bien que mal.

Nos bagages sont enfin arrivés le lendemain, les valises éventrées et à moitié vides.

Les prochains jours furent consacrés entre les voyages et les répétitions des autres groupes.
Michèle pris en mains les arabes tous bais zains et avec des noms « très » particuliers : One, Two, Three, For, Five, Six. Comme ça au moins Michèle appris l’anglais rapidement.
Le groupe d’andalous fut confié à Tina Risdon une cavalière de haute école, Pedro, Paco, Carlo, Diego, Pablo, Ricardo, Sancho et Pepe (enfin un, dont le nom ne finit pas par un o !).
Je pris en charge les Appaloosa car il y avait le cheval de tête Leo, seul étalon des trois groupes, qui marchait un tour complet sur les postérieurs, Callewgio et les autres avec des noms de tribus indiennes, Sioux qui effectuait une cabriole, Modocs, Comanches, Cherokees, Choctaws, et Apache.
Pour obtenir les noms de tous ces chevaux auprès des gens du cirque s'était pire qu'un interrogatoire au Quai des Orfèvres.


Le trône de Général Vargas

Général Vargas était un petit étalon de race albino. Clifford Vargas aurait voulu que j’asseye ce cheval comme il l’avait déjà fait quelques années auparavant sur un trône en bois.
Le fameux trône était à Los Angeles, Clifford le fit venir.
A la première répétition je commençais par le faire reculer contre ledit trône. Il n’avait pas l’air très heureux, marqua quelques résistances, mais après quelques minutes de patience et une quantité de carottes non négligeable, il se décida ; dans un énorme fracas le trône rendit l'âme sous le poids du cheval. Le trône détruit je pensais que cette manière ridicule de présenter le cheval serait abandonnée !
Ce n’était pas sans compter sur la pugnacité de Clifford. Il me demanda de faire un dessin pour un nouveau trône et il en fit faire un magnifique, en acier, que je peignis en blanc.
La Petite Sœur de Jésus Priscilla fit un coussin en velours rouge bien rembourré et General Vargas y posa ses fesses une et seule fois.
Clifford décida que ce trône n’avait pas assez de classe (peut-être celui de Bokassa lui aurait plu) et nous n’avions pas assez de place pour le garder pour un futur incertain. Le nouveau trône regagna L.A. où il doit peut-être encore rouiller.


Le permis poids lourds

Clifford Vargas me proposa moyennant rétribution de conduire un des gros camions avec les chevaux. Mais je n’avais pas le permis poids lourds. Qu’à cela ne tienne je le passerai dans la prochaine ville.
L’examen consistait à répondre à 10 questions sur un formulaire. Il fallait simplement cocher des crois en face de la réponse juste à choix sur deux. Comme je ne parlais pas encore suffisamment l’anglais, plutôt l’américain, on me donna un interprète qui me traduit que les réponses justes.
Me voici donc avec un permis poids lourds en bonne et due forme au volant d’une grosse semi-remorque avec un tracteur International hors gabarit avec dix-huit chevaux à l'intérieur...

A noter que deux ans plus tard, présentant mon permis américain, le bureau des autos suisse de mon canton me donna l’équivalent soit : Poids lourds, bus transport de personne, véhicule de pompiers, enfin tout ce que je désirais en fonction d’un accord helvético-américain. 
Peut-être même conducteur de tanks et de fusées si je l’avais demandé !


Le volcan

Nous étions avec le cirque Vargas dans l'état de Californie à Sacramento  lorsque le Mont Saint Helens en Oregon explosa le 18 mai 1980 avec tout de même plus de 210 millions de m3 de cendres projetés dans les airs.  Provoquant aussi la mort de 57 personnes.

Mais comme rien ne faisait peur à Clifford Vargas ; la tournée ne changea pas de route et quand nous sommes arrivés quelques semaines plus tard du côté de Portland nous avons commencé à nous imaginer à quoi pourrait ressembler l’apocalypse.

Les routes étaient déblayées régulièrement à l'aide de chasse-neiges, les cendres poussées par des vents formaient des congères comme de la neige poudreuse. Pendant les transports les filtres à air des véhicules du cirque s'obstruaient régulièrement, les moteurs calaient, mais nous avions trouvé une astuce : le filtre lui-même était entouré de papier toilette et changé tous les 5 à 10 km dès que le moteur commençait à toussoter!
La tournée tout autour du volcan se déroula sans autres encombres, le public répondant toujours positivement à l’arrivé du cirque géant. Dans les semaines qui suivirent, le cirque se déplaça dans les villes de Kennewisk , Yakima, Ritzville, Spokane et Ellensburg non loin de la catastrophe volcanique.

Les chevaux et les éléphants de Rex Williams, avec le Colonel Jo naturellement, étaient logés à même le sol et à force de manger du foin mélangé de cendres, leurs crottins ressemblaient à du charbon de bois.

J'étais très inquiet, mais aucun animal ne fut malade. Hervé notre fils âgé de 7 ans jouait au sable sur les tas de cendres. Inutile de dire dans quel était l'intérieur de la caravane.

En déballant nos affaires deux ans plus tard une fois rentrés en Suisse, nous avons encore trouvé des cendres dans certains effets.


La tempête de neige

Fin novembre 1980 nous étions à Santa Fe dans le Nouveau Mexique, ville située tout de même à une altitude de plus de 2000 mètres.
Une tempête de neige descendant des Montagnes Rocheuses était annoncée pour le soir.

Monsieur Vargas ne veut rien entendre pour démonter et annuler le spectacle du soir.

Vers 18 heures la neige commence à tomber sous la forme d’énormes flocons lourds. Le public entre quand même sous le chapiteau, environ 1500 personnes seulement, les gens plus prudents que notre directeur étant restés à la maison.
Monsieur Vargas annonce aux artistes qu’il faut annuler les parades, et que le spectacle ne doit pas durer plus d’une heure et sans pause. Je pris juste le groupe d’Appaloosa et ne fit pas long feu, pas de rappels.
Les Wallendas ne purent même pas faire leur numéro sur le haut fil, car le chapiteau alourdi par la neige touchait déjà le fil tendu.
On évacua le public, et on démonta le gradin.
Il ne fut pas possible de descendre le chapiteau, les mâts, les deux rangées de corniches et les poteaux de tour étant tous plantés profondément dans le terrain très meuble à cause des tonnes de neige déjà sur la tente.

Le chapiteau ne céda pas car il était fabriqué avec une toile de coton renforcée de câbles en quadrillage.
Vers deux heures du matin une première série d’explosions en chaine se fit sentir. Il s’agissait des quatre grands mâts centraux en duralumin qui se rompirent sans se plier sous les tonnes de neige, le duralumin est léger et très solide, il est utilisé principalement en aviation.
Quelques minutes plus tard se fut le tour des deux rangées de (quarter-pôles) corniches intermédiaires.

Au petit matin une vision titanesque de ce qui restait du Big Top.
Seuls quelques poteaux de tour restaient debout et de leurs pointes descendait la toile le tout recouvert d’une épaisse couche de neige, le froid et le soleil semblaient se moquer de ce qui venait de se passer.
On aurait dit le Cirque Maximum de Rome sous la neige.

Maintenant il fallait s’occuper des animaux qui attendaient bien tranquilles dans leurs véhicules.
Autour de nous un désert de neige, pas âme qui vive. Je regarde dans les cabines des semis ; rien, pas un chat ! (Tous les travailleurs du cirque à l’exception des chefs dormaient dans les couchettes des cabines de tous les tracteurs des semis).
Avec le froid et la neige les hommes étaient tous partis pour le centre où ils avaient, espérons-le, trouvé une place au chaud.
Chez les éléphants ; Rex Williams avait son chef, et moi avec une trentaine de chevaux et une douzaine d’exotiques, j’étais seul avec Michèle pour s’occuper d’eux, les deux cavalières des chevaux de haute-école ne s'occupèrent même pas de leur cheval, seule Kathy Batchelor cavalière de voltige, s'est occupée de ses deux chevaux.

D’abord il fallait se trouver des habits et des chaussures adaptés au froid et à la neige, car le cirque ne se déplaçait normalement jamais dans de telles conditions.
En arrivant j’avais repéré un « tack shop » à quelques centaines de mètres. Ces magasins sont des cavernes d'Ali baba pour cavaliers, on y trouve de tout, de la sellerie, bien sûr, des accessoires en tout genre, des habits de travail et aussi toute la gamme de produits vétérinaires en vente libre (antibiotiques, hormones, etc..). J’y allais d'un bon pas, acheter des bottes en caoutchouc rembourrées et des vestes en mouton retourné pour Michèle et moi.
Nous voilà équipé pour passer la journée à faire des navettes à pied dans la neige jusqu’à une écurie située pas trop loin.
D’abord avec des seaux d’eau, pour abreuver les animaux assoiffés depuis le soir précédent. Ce qui n’est pas facile, car les chevaux sont attachés les uns contre les autres en travers des remorques et une seule porte à l’arrière, il faut s’enfiler sous les encolures avec deux seaux pleins d’eau.
Puis la même opération avec le foin.
A midi courte pause pour manger et essayer de parler avec Clifford Vargas, il fait la sourde oreille dans sa caravane cuvant sa cocaïne certainement. Mais je sais qu’il est là, car tôt le matin j’avais aperçu un de ses jeunes minets entrouvrir la porte pour faire pisser le chien.
C’était ma foi courant que lorsqu’il y avait des problèmes il rentrait dans sa coquille et gare à celui qui voulait l’en faire sortir, ses colères étaient mémorables.

L’après-midi nous continuons notre manège entre les remorques des animaux et la ferme voisine.
Je crois que jamais je me suis endormi aussi vite le soir. Michèle qui m’avait aidé toute la journée était exténuée aussi.
Le réveil le matin suivant fut des plus pénibles ; nous ne sentions plus nos bras et nos jambes, quant aux dos ils chantaient la Traviata.

Après avoir pris soin de nos animaux, je parti vers la gare routière essayer de trouver quelques chauffeurs avant qu’ils ne quittent la région. Par chance je réussi à trouver quatre volontaires pour partir direction Tucson, prochaine place, à environ 515 miles (plus de 800km).

Heureusement tous nos camions démarrèrent et nous réussîmes à sortir de la place, le fort vent ayant débarrassé une grande partie de la neige. Je conduirai l’International avec la semi contenant 18 chevaux. Michèle me suivait avec la semi de notre caravane tirée par un pick-up Dodge. Elle ne conduisait pas, car elle avait un chauffeur particulier que le cirque lui avait attribué.

Je donnai mes instructions pour me suivre en colonne pas trop près les uns des autres, nous ferons une halte à environ 250 miles puis nous continuerons jusqu’à bon port.

Je me souviens de la première partie de la route comme étant de grandes montagnes russes couvertes en partie de neige verglacée. Dans les descentes il ne fallait pas freiner pour avoir assez de vitesse pour arriver en haut des montées.
Un vrai rallye des neiges !
Après quelques miles Michèle m’avertissait par radio CB que son chauffeur conduisait comme un pied, qu’il était trop près et qu’il freinait intempestivement. Nous décidâmes de nous arrêter dès que possible et que Michèle conduirait désormais.

Nous arrivâmes le lendemain matin après un long trajet épique, sur la place du cirque où trônait déjà le deuxième chapiteau arrivé et monté je ne sais pas comment. Nous avions en effet un chapiteau de secours qui ne suivait pas le cirque et qui était remisé Dieu sait où.

Enfin Clifford Vargas avait réussi en 48 heures à le faire rapatrier et monter à Tucson. Le chapiteau était dans le même état que celui détruit à Santa Fee, c’est-à-dire plein de trous. J’avais appris que certains trous avaient été faits à la carabine pour vider des poches d’eau formées lors de pluies torrentielles.
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Le surlendemain matin arrivèrent les éléphants et les camions survivants. En effet deux véhicules manquaient ; le « stake's driver » et la « concession ». Ils avaient eu un grave accident. Le conducteur de la concession  s’était arrêté au bord de l’autoroute verglacée et le chauffeur du « stake driver » qui le suivait avait voulu faire le même, seulement avec la glace et la distance trop courte il n’avait pas réussi sa manœuvre et son camion chargé de toutes les pinces du chapiteau avait percuté l’arrière de la  concession, la sellette de celle-ci s’était rompue et le nez de la semi était entrée dans la cabine du tracteur. La femme du chauffeur qui dormait dans la couchette avait été tuée dans le choc.

Photos Hubert Tièche

Le soir même nous devions jouer à Tucson, le gradin ayant été sauvé ce fut possible.
J’envoyai les hommes chercher les caisses contenant les harnais des chevaux. Ces conteneurs voyageaient normalement dans la semi des toilettes. Ils revinrent bredouilles, le responsable du chargement n’avait pas trouvé ces caisses sous la neige et n’en avait avisé personne, pensant que nous les avions déjà prises dans un camion des animaux.
Je décidai de présenter les chevaux sans harnais et fabriquai des cordelettes pour pouvoir les conduire jusque dans la piste. De toute façon nous n’allions pas nous énerver c’était la dernière place de la tournée.

Quelques jours plus tard, je constatai que cinq de mes orteils étaient violacés, ils avaient partiellement gelé pendant les exploits pour soigner les animaux à Santa Fe.

J'en garde encore aujourd'hui les stigmates.


La pause d'hiver

De décembre 1980 au début mars 1981, nous devions nous établir dans un quartier d’hiver à Casa Grande Arizona.
En fait de quartier d’hiver il s’agissait d’un ancien marché de bestiaux entouré de champs de coton à perte de vue.
Je construisis un semblant de piste pour répéter grâce à une clôture de treillis récupérée sur place. Les animaux seront contents de pouvoir enfin s’ébattre dans une piste confortable faite de sable ; ce n’est pas cette matière qui manque !

Maintenant il faut trouver du foin et payer mes quatre aides qui vont rester.
Je vais demander à Rex Williams comment faire pour payer, il me dit que chaque année c’est la même chose ; les dresseurs y mettent de leur poche puis quand la saison prochaine commence le cirque les rembourse.

Pour les premières dépenses j’ai les fonds, mais ensuite ce ne sera plus possible. J’ai dû faire venir de l’argent de Suisse, un comble, les bureaux du cirque à Los Angeles faisant la sourde oreille.


Nouveaux animaux

Un jour du début de décembre arrivent un gros camion et une caravane. Un monsieur âgé vient vers moi se présente :
    -" Je suis le dresseur Andrea Jackson et voici mon épouse Monica (très, très jeune épouse !). "
      " Nous venons vous apporter les nouveaux chevaux pour compléter vos libertés ainsi que les 12 lamas que Monsieur Vargas a achetés pour faire un numéro !
"

Je suis abasourdi, et ne peux avoir pas d’autres explications. Il me dit qu’une fois les numéros prêts ils repartiront dans leur ranch.
Son épouse a déjà envie de partir quand elle voit nos installations faites de bric et de broc. J’essaie encore une fois d’avoir des précisions aux bureaux du cirque, auprès de Rex Williams ; rien !

Silence radio de Los Angeles  !

Nous commençons les répétitions ensemble, c’est moins que rien, les chevaux qui devaient compléter les libertés sont des réformes, et les lamas tous mâles n’ont jamais été encore dressés. Ils acceptent le licol qu’en crachant violemment. Nous passons Noël et Nouvel-An tous ensemble dans une ambiance un peu tendue, de plus qu’Andrea n’est pas très vaillant, il a eu il y a peu un infarctus et son épouse ne pense qu’à repartir au ranch. Elle a peur d’une rechute.

Début janvier les Jackson me demandent le remboursement des chevaux, pour les lamas il parait que c’était directement Clifford Vargas qui les avait achetés. Cela ne m’étonne pas car on ne va pas mettre ensemble 12 lamas mâles de tous âges, non castrés, c’est les combats garantis. Enfin j’explique que je n’ai pas d’argent pour les chevaux.

Le lendemain matin ils chargent leurs chevaux et s’en vont sans un mot : "bon débarras !"

Jusqu'au début de la tournée, la vie à Casa Grande va bon train ; répétitions, répétitions et répétitions. Il faut mettre au point un nouveau numéro avec le chameau, les dromadaires, les poneys pour moi et les douze lamas que Michèle devra présenter.


Deuxième tournée

Le 7 mars 1981 nous devions commencer notre deuxième tournée aux Etats Unis à Phoenix. La boucle était ainsi bouclée, c’est là que nous avions commencé.
Nous partons tôt le jour précédent de Casa Grande, petit trajet à peine 60 kilomètres.
Arrivé en ville nous pensions pouvoir nous installer et répéter quelques fois les nouveaux numéros avec les animaux.
Le chapiteau n’est même pas complétement érigé et ce n’est que le lendemain en fin d’après-midi que le montage est fini.
Je commence à m’inquiéter sérieusement car les trois libertés sont présentées de nouvelle manière, c’est-à-dire que les trois groupes exécutent les mêmes figures en même temps.
Alysoun Seacat, Kathy Batchelor et Darlene Williams (Fille de Rex Williams) complètent le numéro de haute école.

Et puis Clifford Vargas vient nous mettre la pression, il a invité des grands directeurs de cirques à la Première ; il y a Elfi Althoff, Charles Knie et Gerd Siemoneit-Barum entres autres.
     -"Tout doit bien se passer !"   Nous dit The Boss avec un ton de parfait dictateur.

Spécial numéro des libertés !
Après la parade d’entrée ; les trois groupes de chevaux en liberté entrent par l’hippodrome-track par deux, tenus par les hommes du cirque, chaque groupe entre dans son ring, et s’aligne derrière son présentateur respectif ; Michèle au ring one avec les arabes, moi au center ring avec les Appaloosa et Tina avec les andalous au ring three.

Et la musique commence !
Les trois dresseurs saluent !

Et le numéro devrait commencer normalement, sauf qu'à l’entrée du ring du centre où je me trouve devant le portique de l’orchestre, le nouveau décor avec quelques centaines d’ampoules clignotantes s’allume quand l'orchestre commence tonitruant !

Rien de tel pour apeurer les Appaloosa qui foncent tout droit, quatre me dépassent par ma droite et les quatre autres par ma gauche, démarrage au grand galop, pas moyen de les arrêter, ils vont tout droit et sautent la banquette (à peine 30 cm de haut). Les chevaux commencent à galoper dans l’hippodrome track rejoints bientôt par quelques autres chevaux des deux autres groupes.
Certains rejoignent leur ring, d’autres sont attrapés par les aides et au bout de 3 ou 4 minutes (interminables) tous les chevaux ont regagné leur ring, le numéro peut enfin commencer.

A la fin du numéro des trois numéros de liberté : la régie mettait le « black-out » dans tout le chapiteau, puis l’orchestre accompagnait une bande-son des Walkyries de Richard Wagner, en même temps au centre du ring central on faisait tomber dans un fut d’eau chaude quelques kilos de neige carbonique et un magnifique nuage blanc recouvrait alors la piste, les milliers de spectateurs hurlaient au moment où des spots bleus éclairaient mon arrivée avec « Pegase » : Le cheval « General Vargas » était équipé d’ailes faites par les costumiers d’Hollywood en véritables plumes d’oie. L’effet était saisissant, le cheval exécutait un tour complet de la piste en marchant debout derrière moi. Pour disparaître instantanément dans un nouveau « black-out ».

A la fin je réapparaissais accompagné de mes deux partenaires dans la piste pour le salut final.

Le reste des numéros à ma charge, les 12 lamas avec Michèle, et mon groupe d’exotiques comprenant un chameau, trois dromadaires, deux faux zébroïdes se passent bien.
La haute école sur les trois rings et dans l’hippodrome track se passe bien aussi.

A la fin du spectacle m’attend Clifford Vargas, il me saute au coup, m’embrasse et me félicite pour le Pegase et aussi pour le numéro original des chevaux qui sortent et entrent dans les pistes… Il trouve cela particulièrement original mais ne voudrait pas que nous le continuions ainsi car c’est dangereux, dans l’hippodrome track il peut y avoir les enfants. Je lui dis que c’était spécialement pour la Première. Un peu plus tard Charles Knie vient me saluer, je lui raconte le commentaire du directeur ; nous avons bien rit.

A la fin du spectacle m’attend Clifford Vargas, il me saute au coup, m’embrasse et me félicite pour le Pegase et aussi pour le numéro original des chevaux qui sortent et entrent dans les pistes…
Il trouve cela particulièrement original mais ne voudrait pas que nous le continuions ainsi car c’est dangereux, dans l’hippodrome track il peut y avoir les enfants.
Je lui dis que c’était spécialement pour la Première...

Un peu plus tard Charles Knie vient me saluer, je lui raconte le commentaire du directeur ; nous avons bien rit.
Petite anecdote qui m'interpelle encore :
    - Charles, son père roumain le célèbre jongleur Jacky Lupescu, sa mère suisse-allemande Eliane Knie du grand cirque national.
    - Moi pur suisse-romand parlant français, trois mots en allemand, quatre mots en anglais.    
- Comment en sommes-nous venus à parler italien ? Langue que nous ne maitrisons ni l'un ni l'autre, en tout cas moi pas encore !


Le cheval volant
Un jour après le spectacle à Santa Barbara, un papa s’approcha de moi avec son bambin et me demanda :
- "Excusez Monsieur, il vous a coûté cher ce cheval ailé ? "

Sans mentir (les ailes ayant coûté bonbon !), je répondis :
- "Oh oui mon pauvre Monsieur assez cher ! 

En s’adressant à son gamin il dit :
- "Tu vois j’avais raison ça coûte très cher et il en a très peu ! 

Puis à nouveau à moi :
- "Il est où maintenant votre cheval ailé ?"


Je répondis avec assurance :
- "On l’enferme dans un camion pour ne pas qu’il s’envole !

Général Vargas était à 5 mètres de moi et lui…

Général Vargas avait une sale habitude : Lorsqu'il avait fini son tour de piste en marchant cabré avec ses ailes déployées dans le brouillard carbonique, au moment où il redescendait, il essayait toujours de me mordre l'épaule. J'avais dû mettre un empiècement en cuir à cet endroit. A l'entraînement jamais. Il était très malin. J'ai essayé différents trucs, le seul qui marchait était que je plaçais le manche de ma touche, contre mon épaule, mais même dans la pénombre de la fin du tour, il le devinait. Quel mariole !


Le retour

A la fin de mon contrat, je mets Clifford Vargas devant une exigence pour le renouveler:
Je veux une tente pour les animaux qui doivent supporter les intempéries attachés à des chaînes.
Il refuse et après avoir pris un mois de vacances pour visiter un peu le pays, nous rentrons en Suisse.

Et cette fois pas de problème en avion...  Je respire !

Déjà d'autres contrats nous attendent dans notre boîte aux lettres. Et il y a un contrat pour revenir chez Vargas, durée du contrat :
C'est à moi de mettre le nombre d'années désirées !
Ainsi qu'une copie de la commande au fabriquant de chapiteaux "Cannobio" en Italie des tentes pour les écuries...

Ceux qui me connaissent, se doutent bien que je n'ai pas répondu à ce courrier, n'étant pas une girouette et ayant déjà plusieurs nouvelles obligations !


A la suite du décès de Clifford Vargas en 1989, le cirque Vargas a été repris sous une formule plus européenne avec une piste seulement par une famille mexicaine forte sympathique, que j'ai eu l'honneur de rencontrer lors du Festival Mondial de Monaco en 2016.

photo LE RETOUR EN EUROPE


Merci à Fabrice Vallon, Jean Pierre Jerva, Arianne Bertrand, Fabien Arpin-Pont, Patricia Philipona, Martine Simon, Christian Sudre et tous les autres pour les photos qu'ils ont mises gentiment à disposition pour orner la page (et les suivantes).

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ANNÉES LIEUX ÉVÉNEMENTS LIENS
1954 Meyrin, Chavannes-des-bois Débuts-Manège des Bois
1978 Suisse Circus Nock
1979 Allemagne Circus Althoff
1980 USA Cirque Vargas
1982 Suisse Circus Nock
1983 Italie Circo Moira Orfei
1985 Sicile Parco Zoo, Centro Ippico
1989 Prez-vers-Noréaz Centre Équestre
1997 Lausanne, Berne, Avenches.. ACB-Shows
2002 Berne, Palexpo, Vérone... Brindle Horse
2004 Cerrione, Italie Allevamento PRE
2005 France Cirque Arlette Gruss
2007 France Cirque Arlette Gruss
2008 Donatyre-Avenches École du Spectacle Équestre
2011 Romandie Cirque Helvetia
2012 Romandie Cirque Helvetia
2013 Romandie Cirque Helvetia
2014 Romandie Cirque Helvetia
2015 Romandie Cirque Helvetia
2016 France-Monaco Cirque Piedon
2017 Romont Installation
2018 Romont Puces-Remorque théâtre
2019 Romont Travaux maison
2020 Romont Covid-Remorque caravane
2021 Romont-Genève Cirque de Noël
2022 Romont Annus horribilis
2023 Romont Réformé ? Pas encore !
2024 Romont Début tranquilou !
2025 Romont Bientôt des nouvelles !


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