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A mon retour des Etats Unis en 1982, le cirque italien Moira Orfei aurait voulu que je
vienne pour m'occuper de leurs chevaux et de l'instruction équestre des deux
enfants de la directrice Moira Orfei.
J'ai appris plus tard que Moira avait eu un entretien à mon sujet avec Fredy Knie Senior...
Mais j'avais fait la promesse au
Cirque Nock de venir en cas de besoin et c'était la raison de mon arrivée en
Italie seulement l'année suivante.
Et c'est là que j'ai fait la connaissance de celle qui dans le monde entier
était surnommée "LA REGINA DEL CIRCO".
Ce titre n'avait rien d'une
usurpation.
Car après une quarantaine de films ; elle se donne complétement à
son cirque amenant parallèlement en Italie le fameux "Cirque de Moscou", créant également
l'extravagant "Circo sul Ghiacco" .
D'autres magnifique photos de la "Regina" grace au Musée du Cirque d'Alain Frère à Tourrette-Levens.
Par la suite elle se consacre avec son mari Walter Nones
entièrement à l'enseigne à son nom et à ses enfants Stefano et Lara.
Elle
exporte souvent son cirque à l'étranger et en 1979 elle se trouve en pleine
révolution à Téhéran.
Dans un premier temps elle refuse d'abandonner son cirque.
Puis
rentre seule en Italie pour demander aux autorités de rapatrier son
établissement.
Devant l'indifférence des autorités ; elle fait une (fausse) tentative de suicide
et convoque, télévisions et journalistes à l'hôpital.
A la suite de cette
action, elle réussit à faire quitter l'Iran à son cirque, poursuivi par les
révolutionnaires islamiques jusqu'à l'embarquement dans le port, dans des péripéties
dignes d'un roman.
Quand je l'ai connu elle n'avait pas perdu de son
désir d'aventures et j'avais une admiration sans limite pour cette femme qui
n'avait pas froid aux yeux.
Le cirque Moira Orfei avait pour particularité une piste surélevée
recouverte d'un tapis de coco rouge genre paillasson. L'effet est
magnifique mais les animaux doivent travailler en parfaite harmonie
avec le dresseur, faute de quoi ils risquent de chuter par glissades et
de finir dans le public situé en contrebas... Comme c'était déjà arrivé
auparavant !
Je ne vais pas en piste pour les spectacles mais je dois dresser de
nouveaux chevaux dans le groupe de Stefano le fils de Moira.
Je dois aussi lui apprendre les bases de la haute école, car je dispose
de quatre chevaux espagnols plus ou moins dressés convenablement...
Quand je suis arrivé en Italie, j'ai pris mes quartiers à San Dona di Piave, près de Venice. Une belle propriété avec une maison de maître.
Je devais préparer les chevaux de haute école pour Lara et Stefano les
enfants de Moira.
De grands hangars où étaient remisés tous les accessoires du cirque, un atelier et les véhicules anciens.
Walter Nones avait fait confiance à un écuyer portugais qui était venu
avec quatre étalons. |
C'est là aussi que le "dresseur maison", Jean Michon préparait le groupe de tigres que Stefano devrait présenter quelques années
plus tard à Monte Carlo. |
En fin 1983 elle embarqua le cirque pour un séjour
d'un mois environ en Libye encore sous le régime de Mouammar Kadhafi.
Pendant ce temps je suis resté aux quartiers d'hiver
à San Dona Di Piave, avec les chevaux car s'ils
avaient séjourné en Afrique, à cause de la peste équine qui y sévissait, ils
n'auraient pas pu revenir en Europe.
J'ai eu pendant cette période tout
le temps de dessiner
les plans d’un container (l’ingénieur qui ressort) pour une femelle, rhinocéros
blanche, que Walter Nones avait achetée en Espagne.
C’était un container
entièrement autosuffisant qui se montait sur des vérins, permettant ainsi
d’avancer ou de reculer avec le porteur.
Ainsi Jumba restait le moins longtemps
possible enfermée. Et en plus, elle ne devait pas monter et descendre avec une
rampe.
L’avant du container contenait le compresseur hydraulique et
les commandes haut et bas, l’arrière contenait les barrières pour lui faire tout
de suite son parc d’ébats. Une grande maison de construction spécialisée
dans le matériel de cirque la mréalisa en quelques semaines.
Jumba arriva dès le début de la tournée. Elle était
adorable, avide de caresses et j’établis un super contact avec elle.
Le but était de l'incorporer au spectacle en 1985, présentée par Stefano.
C'était la première fois que je m'occupais de l'éducation d'un rhino et
étonnamment ce fut relativement facile.
C'est là que je me rappelai la phrase de Fredy Knie senior qu'il m'avait
dit avant que je commence ma carrière de dresseur dans les cirques :
- "Si tu es un bon dresseur pour les chevaux, tu peux dresser tous
les animaux ! Ce qui n'est pas forcément valable pour l'inverse !"
Je commence ainsi l'éducation de Jumba.
Dressage repris en 1985 par Charly Knie.
Puis Jumba sera
présentée en piste avec Stefano.
Voici une vidéo de la magnifique
présentation de Stefano et ses exotiques.
Jumba y tient une place importante !
A la fin de la deuxième saison, de passage à Catane en Sicile toujours avec le cirque Moira Orfei,
j'apprends qu'un zoo est en train de se construire à quelques kilomètres.
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C'est à ce
moment que les propriétaires me demandent si je ne veux pas, moi-même cette place ?
J'arrivais à la fin du contrat et j'en parle avec Moira qui m'encourage et
me dit que je ne peux pas manquer une telle opportunité.
Quelle femme
extraordinaire !
Dès qu'elle aura trouvé un remplaçant je pourrais
partir.
Quelques semaines plus tard Charly Knie arrive au cirque et ma
grande aventure de directeur du plus grand parc zoologique
d’Italie le «Parco-Zoo di Sicilia»
(alors en création) commence.
La "Regina Del Circo" nous a quitté en 2015, suivie en
2016 de son inconsolable mari Walter Nones.
Puis le cirque familial a
poursuivi sa route jusqu'au confinement de 2020. Sans aide, et avec
beaucoup d'animaux la trésorerie s'est trouvée rapidement à plat.
Stefano a eu
beaucoup de difficulté à repartir et le cirque familial a fini malheureusement de
parcourir les routes d'Italie.
Les deux enfants de Moira, Lara et Stefano continuent en
tant qu'artistes dans quelques cirques qui portent encore pour certains le
patronyme "Orfei", mêlant une certaine confusion.
Dans les premiers temps des entrainements avec le groupe des douze étalons de
race Tersk (Russie), je constate qu'à peine je bougeais la chambrière, ils
paniquaient.
J'ai mis beaucoup de patience pour les déstresser. Car il ne
faut pas oublier qu'avec une piste surélevée et un tapis glissant, toute
bousculade peut finir dans le public.
D'ailleurs c'était déjà arrivé dans le passé.
C'est un ouvrier qui a fini
par avouer que mon prédécesseur
avait "préparé" les chevaux à mon arrivée en les apeurant avec les chambrières.
Il avait dit à cet homme à mon sujet :
- "Le Suisse n'arrivera jamais
avec les chevaux, je me suis occupé de sorte qu'il ne pourra rien faire avec."
Il s'est trompé ! Avec ma pugnacité et ma douceur, j'y suis
arrivé.
En 1984 nous entamions notre deuxième saison. Nous avions passé les fêtes de Noël et de fin d'année à Turin et nous commencions un assez long séjour à Milan.
Et qu'elle ne fut pas ma
surprise de voir des espèces d'aphtes dans les gencives, les joues, la
langue et le palais. |
Les chevaux
avaient de la température et urinaient rouge foncé.
Je fis des dizaines
de téléphones, cliniques suisses, vétérinaires de zoos, jusqu'à que le
vétérinaire du cirque Knie me proposa un traitement drastique :
Il fallait
donner aux chevaux un antibiotique très puissant, le "Ciprofloxacine" et il fallait
le trouver sous forme injectable IM.
Mais où me
procurer une telle quantité, ce produit n'était que pour l'usage
humain ?
Et puis il fallait drainer les reins et le sang en faisant deux fois
par jour, une perfusion de sérum salé et de glucose, soit deux poches de 1000ml
à la fois (4 litres par cheval par jour).
Pas de problème en Italie, un entraineur de San Siro me donna
un numéro de téléphone et je pris rendez-vous dans un bistrot pas loin
de l'hippodrome. Le fournisseur (à l'aspect douteaux quand même) me conduisit
dans un parc de garages privés et ouvra le cadenas de l'un d'eux pour me faire
découvrir la Caverne d'Ali Baba de médocs. Il y avait de tout pour faire gagner
les chevaux et pour les soigner (peut-être même de la drogue). Je dévalisai son
stock, et pris de la réserve pour traiter 12 chevaux atteints, pendant 8 jours.
Je pris tout son stock de solution pour perfusion
(350 litres) et
un nombre énorme de
boîtes contenants 10 ou 12 bouteilles d'antibiotique, plus les aiguilles, les
perfusions, seringues, etc...
Le vétérinaire du zoo de Knie à Rapperswill m'avait dit qu'il fallait
s'attendre certainement à des réactions locales aux piqûres et qu'il faudrait
essayer de les faire dans la croupe ! Dans l'encolure des phlegmons pouvaient
apparaitre souvent avec les intra-musculaires d'antibiotiques.
Je n'avais jamais piqué mes
chevaux à cet endroit, mais ils ne réagirent pratiquement pas et aucune
réaction locale. |
Mais il n'était pas question de suspendre le traitement.
Heureusement ; l'immense semi-remorque des chevaux s'ouvrait des
deux côtés ce qui nous permettait du côté croupe de faire les
injections d'antibiotique et du côté tête, faire les perfusions.
Nous
nous sommes arrêtés deux fois sur les aires d'autoroutes pour
procéder aux traitements.
Chaque fois nous ouvrions les rampes nous constations avec
crainte que la sciure mise sur le sol était toujours tachée de rouge.
Le voyage se passa relativement bien.
Pourquoi seulement
les chevaux arabes avaient été attaqués par ces plantes. Les chevaux de
haute-école, des lusitaniens n'avaient rien et les éléphants non-plus. Peut-être que d'eux même
ils connaissaient le danger.
Après une semaine de traitement tous les chevaux furent guéris
et seules quelques cicatrices se voyaient encore dans la bouche.
Quelques jours plus tard, je téléphonai au vétérinaire de l'hippodrome de Milan
pour lui annoncer la bonne nouvelle et il me dit qu'il avait fait son
enquête sur le foin :
Il semblerait que le paysan qui nous avait
vendu le foin nous garantissant qu'il ne provenait pas du bord des
autoroutes, l'aurait récolté sur le terrain de l'aéroport de
Malpensa-Milan. L'herbe qui y pousse est plutôt sauvage et gorgée de
kérosène. Il pensait que les animaux de cirque seraient assez costauds
et pour lui double bénéfice, payé pour nettoyer les abords des pistes
et puis vendre le foin au cirque.
Si je n'avais pas pris toutes ces décisions, je ne sais pas
combien de chevaux auraient survécus.
Et aussi grâce à Michèle car
je ne pouvais pas compter sur les Maroquins pour tenir les perfusions, car ils tombaient
dans les pommes à la vue d'une goutte de sang.
Un jour que j'étais dans sa roulotte afin de faire mon
rapport sur l'état des entraînements, elle vint à parler des directrices
concurrentes, que j'aurais la politesse de ne pas nommer et elle me dit :
- "Ces femmes
se font toutes lifter et refaire leur poitrine."
Et à ma grande surprise, elle dégrafa son chemisier et me montra pudiquement un sein en me disant :
-
"Regarde ! Chez moi c'est tout du naturel !"
Merci à Fabrice Vallon, Jean Pierre Jerva, Fabien Arpin-Pont, Patricia Philipona, Martine Simon, Christian Sudre et tous les autres pour les photos qu'ils ont mises gentiment à disposition pour orner la page(et les suivantes).
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